samedi 27 octobre 2012

| Saturday Fight Fever ¦ Ted / Le Complexe du castor

Nouveau concept : le Saturday Fight Fever. Un samedi sur deux (ou un par mois, suivant l'actualité et ma propension à fournir en Film du samedi soir), je tente de percer en six points les mystères de deux films, d'hier comme d'aujourd'hui, aux attentes et aux styles similaires.

Pour cette seconde fournée, place tout d'abord à la comédie US "hype" du moment, Ted de Seth MacFarlane, avec Mark Wahlberg et Mila Kunis et... Ted, un ours en peluche qui boit, jure et fume. En face, son adversaire sera Le Complexe du castor, drame familial de Jodie Foster sorti "incognito" en mai 2011, avec Mel Gibson et... une marionnette de castor.  

Crouch, touch, pause... ENGAGE !



Le projet


C'est affublé des étiquettes de "comédie de l'année" et de succès commercial sans précédent, qu'a débarqué il y a quelques jours sur nos écrans Ted. Un film présenté comme irrévérencieux et jubilatoire, qui est aussi et surtout la première fois "en live" et sur grand écran du créateur des séries télé Les Griffins et American Dad, j'ai nommé Seth MacFarlane. La présence derrière la caméra de cet habitué du politiquement incorrect - qui donne également sa voix à l'ours en peluche Ted - promettait donc un divertissement sans précédent au cinéma, une bouffée d'air frais... Ou plutôt une bonne grosse "taffe" de Marie-Jeanne... 


Totalement à l'opposé, Le Complexe du castor n'avait pas grand chose pour attirer les foules. Passé (presque) inaperçu en France - malgré sa présence hors compétition dans la sélection officielle du Festival de Cannes 2011 - ce drame familial n'y a même pas atteint les 190 000 entrées. La faute, peut-être, à une absence de "bankable" derrière et devant la caméra, et un sujet assez peu vendeur. La faute, peut-être aussi, à la présence sur les écrans lors de sa sortie de la Palme d'Or et du Grand Prix du Festival, The Tree of Life et Le Gamin au vélo, et des "cartons" commerciaux X-Men : Le Commencement, Very Bad Trip 2 ou le quatrième Pirates des Caraïbes.

Même si le film de Jodie Foster a fini par atterrir devant mes yeux, il ne m'attirait pas lors de sa sortie en salles. Contrairement à Ted, aidé par une belle communication. Quatre seringues pour le film de Seth MacFarlane, seulement deux pour Le Complexe du castor.


L'histoire

 

John Bennett, un gamin de 8 ans, rejeté et moqué par tous - même par le petit juif qui se fait "maraver la gueule" à la récré - fait une nuit le vœu que l'ours en peluche qu'il a eu à Noël se mette à parler, et devienne son meilleur ami...  Vous avez dit "conte pour enfants" ? Vous avez bien lu tout ce que j'ai écrit ? Non parce qu'effectivement, Ted commence comme un gentil petit conte. Mais il se transforme rapidement en une peinture peu flatteuse de l'Amérique qui glande, qui boit, fume des joints (ou des bang) et jure à tout va. Ce portrait n'oublie rien ni personne, à commencer par les idoles de jeunesse d'hier (on découvre un Flash Gordon accro à la coke) et d'aujourd'hui (des allusions peu flatteuses aux "stars" Justin Bieber, Katy Perry ou Taylor Lautner... le Jacob de Twilight). Tout ça avec beaucoup de vulgarité, mais bizarrement aussi quelques moments de tendresse et de sincérité.



Le Complexe du castor narre l'histoire d'un homme, Walter, dont la vie se délite petit à petit. La dépression faisant son œuvre, il se retrouve rapidement mis à la porte de chez lui par son épouse, qui cherche à l'éloigner de ses deux fils - dont le plus grand n'a plus aucune estime pour son père. Las, au fond du trou, Walter va tenter de mettre fin à ses jours... Jusqu'à ce qu'il tombe - miraculeusement - sur une marionnette de castor. Sans trop savoir pourquoi, Walter va l'enfiler et se mettre à exprimer à travers cette peluche tout ce qu'il n'osait pas dire ; faire tout ce qu'il n'osait pas faire ; vivre la vie qu'il n'osait plus vivre. Le Complexe du castor raconte sous couvert d'un concept original la remise en question d'un homme arrivé au carrefour de sa vie, à la limite entre schizophrénie et extra-lucidité.

Entre une comédie "à l'Américaine" un peu (trop) légère, et un drame un peu (trop) pesant, difficile de choisir. Match nul, la balle au centre : trois seringues pour les deux.



Les acteurs

 

Pour camper le "grand" John Bennett, Seth MacFarlane a fait appel au bodybuildé Mark Wahlberg (qu'on retrouvera d'ailleurs tout en muscles l'an prochain, dans Pain & Gain de Michael Bay). Un rôle pas forcément inadapté pour l'acteur, puisqu'on l'a retrouvé ces derniers temps dans des productions comiques, comme Date Night ou surtout Very Bad Cops. Mais à la différence de ces autres films, Mark Wahlberg campe dans Ted le premier rôle, et s'en sort plutôt bien. Face à lui, la ravissante Mila Kunis (élue femme la plus sexy du Monde par le magazine Esquire) prête ses traits à la fiancée de John, après avoir prêté sa voix pendant 13 ans à Meg, la fille gothique des Griffins... Autant dire que Seth MacFarlane savait à qui il confiait le rôle ! Pour le reste, mis à part le retour de Flash Gordon, Ted offre à Norah Jones son premier rôle au cinéma, et à Ryan Reynolds celui d'un amant gay nocturne et totalement muet...


On n'est jamais mieux servi que par soi-même, n'est-ce pas? C'est en tout cas ce que doit penser Jodie Foster, devant et derrière la caméra pour Le Complexe du castor. Elle joue superbement une compagne déboussolée par l'état d'abord dépressif de son mari Walter, puis anormalement revigoré par une marionnette. Walter, justement, est campé par un magistral Mel Gibson qui retrouve là un peu de crédit. Tantôt émouvant, tantôt drôle, le réalisateur controversé de La Passion renoue avec ses plus grands succès critiques. Autour de ce duo confirmé, deux jeunes acteurs viennent illuminer le film de leur jolie histoire d'amour : Anton Yelchin (Star Trek, Alpha Dog) et la sublime Jennifer Lawrence (Winter's Bone, Hunger Games).


Rien à dire pour Le Complexe du castor, tant par ses talents "adultes" que ses espoirs en devenir, Jodie Foster nous offre un casting cinq étoiles... Ou plutôt cinq seringues, contre trois pour Ted.


L'environnement

 

Ted va vous faire visiter Boston de long en large... De ses paysages urbains (enneigés), jusqu'à son stade de baseball, Fenway Park, en passant par l'univers intergalactique de Flash Gordon et l'appartement de John et Ted (glandeurs oblige). Pas un grand dépaysement pour les Américains, donc, mais pour nous pauvres Français, ce voyage visuel peut valoir le détour. Et puis, Boston ça change de New York, Los Angeles ou Chicago...

Pour mettre en boîte son film chargé en émotions, Jodie Foster a parié sur des décors sobres et dépouillés, plutôt sombres et situés dans une sorte de banlieue américaine stéréotypée. Bref, rien de très jouissif pour qui souhaite s'évader, mais force est de constater que ce choix est le bon : notre attention se porte ainsi plus sur les personnages que sur leur environnement. Même si, au final, Le Complexe du castor ne marquera pas les esprits ni les mémoires par des lieux ou des bâtiments clés, sauf peut-être avec la fresque murale peinte par Norah (Jennifer Lawrence).


Pas de grands paysages au programme cette semaine, mais léger avantage pour Ted : trois seringues à deux.


La réalisation


Pour une première, il faut dire que c'est une réussite. On imagine qu'il a été facile pour Seth MacFarlane de "diriger" le personnage de Ted - même s'il lui a sans doute fallu appréhender les techniques d'imagerie de synthèse - mais on peut également louer sa direction d'acteurs, et sa mise en scène de manière générale. Certes, cela reste de la comédie, mais le bonhomme sait bien où il va. Le rythme est très bon, les "ellipses" toujours drôles (comme ces passages dans l'univers de Flash Gordon, j'y reviens encore) et l'identité des séries TV qui ont fait sa renommée est préservée. Un (presque) sans faute pour Ted.

Du côté de Jodie Foster, le talent n'est plus une surprise. Pour son troisième long-métrage, l'actrice a particulièrement réussi à imprégner sa vision des choses (comme pour les décors sombres et vides, traités plus haut), avec une mention spéciale pour le choix des acteurs (c'est elle qui est allée chercher Mel Gibson alors que Jim Carrey et Steve Carrell avaient été contactés pour le rôle de Walter). Jamais trop pathétique, Le Complexe du castor est une belle réussite.

L'expérience et le genre du film aidant, Le Complexe du castor se démarque logiquement de son adversaire... Quatre seringue, contre trois pour Ted.

La critique


Très impatient, trop peut-être, j'avais fondé d'énormes espoirs dans le film de Seth MacFarlane - qui présentera en février prochain la cérémonie des Oscars. Et je dois dire que, malgré quelques déceptions (une fin et une histoire malgré tout convenues, certains gags trop potaches et trop faciles, seconds rôles rarement efficaces), l'ensemble du film m'a beaucoup plu. D'abord parce que, malgré ce que je viens de dire, la façon qu'a le créateur d'American Dad ! de manier l'humour, de faire vivre ses personnages et, surtout, d'inculquer à cette comédie une âme (l’histoire d'amitié entre John et Ted vaut ce qu'elle vaut, mais elle est finalement sincère et touchante), installe Ted dans le hall of fame des comédies américaines. Parce que c'est drôle, très drôle même, et vrai, tout simplement. Et puis parce que la contine des "potes du tonnerre", la chanson "en live" de Mark Wahlberg, la séquence sous coke, un ours en peluche qui boit, jure, fume...

Sombre et parfois tragique, Le Complexe du castor n'est pas à voir un samedi soir pour se détendre. C'est un vrai drame sur la vie d'un homme ordinaire qui perd le contrôle de sa vie, et qui va utiliser le moyen le moins ordinaire pour s'en sortir. Un film très adulte avec une marionnette, un film magnifiquement bien interprété par un Mel Gibson au sommet et deux seconds rôles au diapason, réalisé avec justesse par Jodie Foster, et humainement mémorable. Si l'on enlève quelques longueurs, quelques passages trop lourds, c'est ce genre de film qu'on garde en tête, longtemps après l'avoir vu. Ce genre de production mélancolique, au goût doux-amer, ce drame aux relents optimistes qui fait se sentir bien, au final.

Difficilement, je donne l'avantage à Ted, même s'il est délicat, finalement, de départager deux long-métrages aussi différents. Victoire d'une courte seringue, encore une fois : quatre contre trois.


Le verdict


Cette fois, nous avons un vainqueur... Roulement de tambour... C'est Ted ! Dans l'ensemble, le premier film de Seth MacFarlane est meilleur, même si Le Complexe du castor a fait la différence sur deux points clés (casting, mise en scène). Deux très bons films, donc, mais avantage à cette comédie totalement barrée et finalement adorable, qu'on aura envie de revoir encore et encore ! Mais j'espère que ce second Saturday Fight Fever vous aura au moins donné envie de regarder le film de Jodie Foster... Ah et tant que je vous tiens, restez dans le coin : le prochain SFF interviendra plus tôt que prévu, dès ce mercredi, pour un combat de films d'animation spécial Halloween. Je vous laisse faire les pronostics sur les deux participants !


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...