dimanche 1 mai 2011

| Avis ¦ Thor, coup de marteau dans l'eau



Thor de Kenneth Branagh


Action-aventure Marvel, USA, 2011, 1H54
Avec Chris Hemsworth, Natalie Portman, Anthony Hopkins
Sortie le 27 avril 2011


L'objectif : Au royaume d’Asgard, Thor est un guerrier aussi puissant qu’arrogant dont les actes téméraires déclenchent une guerre ancestrale. Banni et envoyé sur Terre, par son père Odin, il est condamné à vivre parmi les humains. Mais lorsque les forces du mal de son royaume s’apprêtent à se déchaîner sur la Terre, Thor va apprendre à se comporter en véritable héros…




Le subjectif : Thor est un personnage atypique de la galerie de super-héros de Marvel. Tout simplement car il est des seuls (voire, à ma connaissance, l'unique) héros emprunté à un autre univers, en l'occurrence la mythologie germanique. Non pas qu'un Thor existe plus qu'un Namor (le Prince des mers chez Marvel, par exemple), mais il subsiste au delà des comics, dans l'inconscient collectif. D'autant plus que maintenant, grâce au projet The Avengers et à la nouvelle vague de super-héros déferlant sur les salles de cinéma, le dieu du tonnerre a droit à son adaptation sur grand écran. Une aubaine pour tous les inconditionnels du fils d'Odin, frère de Loki et détenteur du marteau Mjölnir. Un léger haussement d'épaules pour tous les autres qui ne connaîtraient pas en profondeur les mythes et récits de Thor.


Pour soigner cet énième portage, Marvel va faire dans l'inédit – un peu à la manière de The Green Hornet, réalisé par Michel Gondry. Il faut bien dire que, jusque là, c'était à des spécialistes de l'action ou du divertissement que la firme avait confié les clés de la maison M. Pour Thor, voici venir derrière la caméra un dramaturge irlandais : Kenneth Branagh. Connu pour avoir adapté au cinéma le Hamlet de Shakespeare ou pour avoir joué avec les plus grands (Woody Allen à Tim Burton, en passant par Robert Altman et Bryan Singer), le Britannique apparaissait pour beaucoup comme un choix étonnant, mais pas dénué d'intérêt. Avec son côté classique, celui qui a interprété le professeur Gilderoy Lockhart dans Harry Potter 2 devait être LE metteur en scène à même de rendre grâce à l'univers épique et mystique, grandiloquent et coloré dessiné par Jack Kirby un demi-siècle plus tôt. Mais Kenneth Branagh, totalement absent du paysage « entertainment » jusque là, pouvait-il façonner un film aux épaules assez solides pour porter une nouvelle saga et introduire dignement son personnage, à un an de la sortie de The Avengers ?

Deux frères pour un roi

Le pari est grand, d'autant que l'année 2011 regorge de films à gros budgets. Heureusement pour lui, Thor devrait profiter d'une absence de concurrence en ce mois d'avril pour triompher, ou en tout cas ne pas sombrer. Car si le profil atypique de Branagh peut plaire aux cinéphiles, il est peu probable que Marvel veuille goûter de nouveau aux problèmes rencontrés avec la version « philosophique » du Hulk d'Ang Lee. Qu'à cela ne tienne, le réalisateur irlandais est dramaturge mais pas néophyte. Et son casting, intelligent, est là pour rappeler qu'il est un brillant metteur en scène avant tout. Natalie Portman fraichement oscarisée, Stellan Skarsgård (un fidèle de Lars von Trier), Anthony Hopkins ou Idris Elba (impeccable dans la série The Wire made in HBO) viennent encadrer un jeune acteur aux lourdes responsabilités : Chris Hemsworth. De son propre aveu, le nouveau visage de Thor n'était « pas vraiment fan de comics avant de faire ce film ». Ouille. Il n'est pas vraiment omniprésent au cinéma non plus, ayant principalement percé à la TV australienne. Re-ouille. Mais le garçon est motivé et beau comme un dieu nordique. Quelques séances d'entraînement intensif, quelques ingestions de protéines plus tard et l'affaire était dans le sac.



Et l'histoire ? Si je m'attarde autant sur l'amont du projet, c'est que ce qui a accouché de tout cela n'est pas très excitant. Certes, une nouvelle trilogie voit le jour (Thor 2 est déjà dans les cartons), et l'émoi relatif à la sortie d'un nouveau super-héros peut prendre le pas sur la déception d'une histoire mollassonne. Car il faut bien dire que mise à part l'installation de la mythologie asgardienne (du nom du monde d'où vient Thor), ce nouveau film n'apporte pas grand chose. L'histoire se limite à une lutte fratricide entre un bellâtre blond, arrogant et impétueux (qui deviendra beau, fort et gentil, tout en se tapant Natalie Portman) et un malicieux magicien, maigrelet et manipulateur. Deux frères pour un trône, pour succéder à leur père Odin, et deux frères aux antipodes : quand le premier, Thor, va évoluer positivement jusqu'à redevenir digne de ses pouvoirs divins, Loki va plonger dans la noirceur et la traitrise. Point positif : cette histoire est « à peu près » celle du comics original.

Divin monstre et monstre divin

Problème : il existe certaines nuances entre le film et la bande-dessinée. Thor tombe sur Terre, mais ne perd pas la mémoire : il sait donc qui il est. Dans la BD, Odin lui ôtait ses pouvoirs et sa conscience de ceux-ci, il devenait alors Donald Blake, médecin amnésique. Dans le film de Branagh, il devient une énigme scientifique, un objet stellaire tombé du ciel : idéal pour introduire le rôle de Jane Foster (Natalie Portman), qui joue une astronome. Au delà du changement de scénario (dans le comics, Jane Foster est l'assistance du Thor mortel), ce personnage ne sert qu'à une seule chose : apporter des yeux embués, une bouche entre-ouverte et un regard admiratif des muscles de ce mystérieux blondinet. Bref, Natalie Portman fait encore pire que Katie Holmes dans Batman Begins. Même constat du côté des amis asgardiens du dieu de la foudre, tous plus insignifiants et caricaturaux les uns que les autres (le japonais courageux, la brute épaisse et affamée, la donzelle enamourée de Thor...). On pourra également regretter la sous-exploitation d'Idris Alba, mais saluer la bonne partition d'Anthony Hopkins en « dieu de toutes choses » ou encore celle de Stellan Skarsgård, impeccable docteur Erik Selvig (malgré les clichés, et l'absence d'explication quant à son rôle dans l'histoire). Enfin, les (ré)apparitions de Nick Fury (Samuel L. Jackson), et Oeil de Faucon (Jeremy Renner) feront plaisir aux amateurs.

Mais voilà, comme trop souvent avec Marvel, ce premier Thor se présente finalement comme un bel écrin vide. On imagine sans mal que c'est avec beaucoup (trop) d'idées derrière la tête que les héritiers de Stan Lee (qui fait un cameo en conducteur de pick-up tentant de tracter le marteau divin) ont scénarisé ce film. L'objectif ? Préparer le terrain pour The Avengers, et permettre l'avènement d'autres Thor dans les années à venir. Sans oublier que le personnage, sous les traits de Chris Hemsworth, sera présent dans Captain America dès cet été. Le Thor de Kenneth Branagh n'est alors qu'un "monstre", un patron grossier, pas forcément ignoble et même plutôt attrayant, mais manquant vraiment de singularité. L'histoire aurait pu s'appuyer plus sur la chute de Thor sur Terre, sur son désarroi et sur son statut divin à récupérer, qui en fait une vraie quête identitaire. N'est-ce pas là tout l'intérêt des personnages estampillés Marvel, composer avec le dilemme d'être à la fois une personne et un héros ? Ici, le "roman d'apprentissage" de Thor se limite à un constat : « le jeune et puant Thor, avide de pouvoir, est devenu un adulte patient et prêt à devenir roi. » On en viendrait presque à regretter Spiderman 3.

5 commentaires:

  1. Et ben, je trouve que cette critique est mieux que celle de "Sucker punch". Tu ne t'es pas trop égaré, tout ce dont tu parles dans les 2 paragraphes après le subjectif est simple, concis et ça amène bien à ce qui suit.
    Tu parles du film ( beaucoup plus que pour SP) et j'ai l'impression que c'est moins brouillon. Tu as fait ce que j'attendais en venant sur ton blog : me donner un avis exhaustif, simple et carré sur le sujet !
    Bien ouèj :)

    RépondreSupprimer
  2. Je partage assez ton avis. J'ai été déçu par ce film. L'histoire fait pssshiiit. Je ne retrouve absolument pas l'esprit Marvel, le fait que l'histoire sur terre ne se déroule qu'au même endroit "Manitas de la bitas ciudad" ou je ne sais quoi, me gêne assez.
    En fait, les épreuves auxquelles Thor doit faire face sont trop faciles, je crois que le bouleversement du scénario dont tu parles joue beaucoup là dessus.
    Le côté mythique est assez mal rendu, les effets spéciaux d'Asgard et de la planète des géants de glace (eux aussi d'ailleurs) ne sont pas exceptionnels.
    De plus je n'ai pas eu le choix, je l'ai vu en 3D et ça n'apporte absolument rien !
    Je comprends tes 2 seringues, c'est pour "The Avengers", mais là ils ont pas intérêt à se louper.
    Sinon à quand une saga "Ligue des justiciers" réalisée par Christopher Nolan ? L'un des euls hommes capables de mettre l'univers comics sur grand écran...

    RépondreSupprimer
  3. Exactement d'accord ! (en attendant la version Ed Wright d'Ant-Man... qui ne sera PAS dans The Avengers)
    A la base les Avengers ont été créé pour contrer la JLA, donc ce ne serait que retour des choses que DC sorte un flim crossover. Avec la sortie de Green Lantern, la nouvelle vision (Zack Snyder) de Superman et donc la suprématie de Nolan sur Batman (il va scénariser avec son frérot le prochain Man of Steel d'ailleurs), je pense qu'on peut légitimement s'attendre à une JLA sur grand écran. Seul problème : le costume de la nouvelle Wonder Woman, horriblement moche...

    RépondreSupprimer
  4. "L'histoire aurait pu s'appuyer plus sur la chute de Thor sur Terre, sur son désarroi et sur son statut divin à récupérer, qui en fait une vraie quête identitaire."
    Encore une histoire de chute et de quête identitaire. Merci nos années fac de lettres. Merci M.Sounac. Je m'en vais le voir ce soir au ciné du quartier latin en 3D...histoire de décompresser! Je penserai à toi my poto darling, xxx.
    PS: en passant...tu es très talentueux mon cher!

    RépondreSupprimer

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...