mercredi 23 mai 2012

| Avis ¦ Sur la route, Kerouac s'égare du côté de chez Salles



Sur la route de Walter Salles


Drame, road-movie, France / USA / UK, 2012, 2H20
Avec Garrett Hedlund, Sam Riley, Kristen Stewart
Sortie le 23 mai 2012
(Compétition officielle - Cannes 2012)

L'objectif : Au lendemain de la mort de son père, Sal Paradise, apprenti écrivain new-yorkais, rencontre Dean Moriarty, jeune ex-taulard au charme ravageur, marié à la très libre et très séduisante Marylou. Entre Sal et Dean, l’entente est immédiate et fusionnelle. Décidés à ne pas se laisser enfermer dans une vie trop étriquée, les deux amis rompent leurs attaches et prennent la route avec Marylou. Assoiffés de liberté, les trois jeunes gens partent à la rencontre du monde, des autres et d’eux-mêmes.



Le subjectif : Aujourd'hui, une grande majorité des sorties en salles concerne des portages. Livres, séries télé, bande-dessinées voire jeux-vidéos permettent aux producteurs de calmer leur soif d'histoires à raconter - et à vendre. Plus grand pourvoyeur de ces récits, et source d'inspiration inépuisable, la littérature ne s'est pourtant que trop rarement retrouvée dans ces "adaptations ciné". Hormis quelques grandes sagas (Harry Potter, Le Seigneur des Anneaux, Twilight, etc.), le roman - et notamment celui adulé et reconnu comme culte - a toujours eu du mal à recréer à l'écran le succès qui était le sien chez les libraires. Exemples avec Moins que zéro ou Factotum, deux films tombés aux oubliettes alors que le matériau original - de Brett Easton Ellis et Charles Bukowski - a marqué la littérature américaine et mondiale.


Cette entreprise d'adapter une œuvre culte a pourtant tenté Walter Salles. Le réalisateur brésilien, découvert grâce à ses Carnets de voyage, a en effet décidé de mettre en scène un autre "road movie" en portant au cinéma Sur la route de Jack Kerouac. Monument fondateur de la "beat generation", selon les propres termes de l'écrivain, ce texte a été écrit en 1951, en quelques semaines seulement. Témoignage du voyage de son auteur - qui apparaît dans le livre, et à l'écran, sous les traits du personnage de Sal Paradise - il a inspiré de nombreux écrivains. Certains sont même impliqués dans l'histoire racontée par Kerouac et Salles, comme Allen Ginsberg et William Burroughs. Leurs alias artistiques, Carlo Marx et Old Bull Lee, sont joués à l'écran par Tom Sturridge et Viggo Mortensen. A l'image de la prestation pataude de Kirsten Dunst, qui interprête la seconde femme de Dean Moriarty, ces personnages secondaires ne sont pas le point fort d'un casting déséquilibré.

Interprétation inspirée et transpirée

En effet, s'il y en a un qui crève l'écran, c'est bien Garrett Hedlund. Le jeune Sam Flynn de Tron Legacy, remarqué également dans Death Sentence de James Wan, incarne un Moriarty troublant de frénésie, d'humeur et d'attitudes changeantes ; et sa voix comme son image devraient rester gravées dans votre mémoire. Il est la révélation du film, aux côtés d'un Sam Riley - Sal Paradise, alias Kerouac - un poil plus en retrait, à l'image de son personnage. Au milieu de ces deux acteurs méconnus, mais plus que convaincants, se débat comme elle peut la jeune Kristen Stewart. Avant de reprendre le rôle de Bella dans le dernier Twilight, la belle de 22 ans - qui interprète Marylou, première femme de Moriarty - se contente de se trémousser, de se déshabiller et d'envouter aussi bien ses deux hommes que le spectateur. Chose qu'elle réussit assez bien, sans toutefois émouvoir autant que dans Into the wild.



Mis à part ces personnages et leur débordante vitalité (ils fument, boivent et baisent à tout rompre), Walter Salles filme une Amérique de la fin de la première moitié du 20e siècle traversée de long en large, "road movie" oblige. Ce "mouvement" voulu et chéri par Kerouac et ses compères est bien rendu, même si les paysages ne sont pas légion, le réalisateur du Dark Water américain préférant de loin filmer ce qui se passe à l'intérieur de la voiture. Si ce choix se voit conforter par la brillante interprétation des acteurs principaux, il pénalise le long-métrage, accumulant trop de redondance pour que le spectateur ne s'y ennuie pas. L'ensemble n'est pas indigeste, en témoigne une bande-son agréable et fidèle à l'univers du roman et de son auteur. Le film permet en outre d'aborder un mythe de la littérature, mais avec ses longueurs, il adoucit une frénésie (liée au mouvement jazz Be Bop dont Jack Kerouac s'inspirait) touchée du doigt lors de (trop) rares instants.

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